Un rêve si bien construit, mais qu’en est-il de la réalité?
Pendant des décennies, la retraite a été idéalisée comme une récompense ultime après une vie de dur labeur. L’idée du rêve « liberté 55 », largement véhiculée par le marketing et les discours sociétaux, a renforcé cette vision : une retraite remplie de voyages, d’activités, de détente et de temps libre bien mérité. Que de plaisir !
Pourtant, chaque année, ce sont malheureusement des milliers de québécois et québécoises qui constatent que la réalité est souvent bien différente.
Dans une société où la productivité est valorisée bien au-delà du temps libre, se retirer du monde professionnel peut engendrer un choc profond. Plusieurs découvrent, après quelques mois ou années, que le vide ressenti ne se comble pas aussi facilement qu’on pourrait le croire.
La génération qui prend sa retraite actuellement a grandi avec la mentalité de « travailler fort maintenant pour profiter plus tard ». L’idée de travailler chaque jour pour aboutir à une retraite agréable faisait sens. Mais lorsqu’arrive enfin ce « plus tard », plusieurs se retrouvent face à un vide inattendu. Le constat devient frappant: le travail n’est pas qu’une source de revenus. Il structure les journées, donne un sentiment d’utilité, permet de socialiser et plus encore. Pour cette génération, encore plus que les autres, le travail est une part importante de l’identité sociale. Le départ à la retraite est un changement majeur comprenant la perte de nombreux repères.
Bien sûr, il y a des voyages, des soupers entre ami·es, des activités plaisantes… mais après un certain temps, beaucoup réalisent que quelque chose manque. Certain·es tentent de remplir leur « agenda » par des activités, des implications ou autres, mais sans pour autant trouver un réel sentiment d’épanouissement. D’autres, au contraire, se retrouvent sans repères, incapables de structurer leurs journées, avec l’impression que tout ce temps libre est un poids plutôt qu’une liberté.
L’idée que la retraite est le moment le plus agréable d’une vie est tellement ancrée dans notre imaginaire collectif que, lorsque ces personnes tentent de parler de leur mal-être avec d’autres, elles se font répondre qu’elles ne peuvent pas se plaindre, qu’elles sont à la retraite… En invalidant leur ressenti ainsi, leur sentiment d’inconfort ne fait que s’accentuer.
Un manque d’éducation au loisir : un défi invisible
Or, si les formations de préparation à la retraite abordent abondamment les finances, elles traitent à peine du principal changement auquel font face les nouvelles personnes retraitées : le passage soudain d’une vie remplie d’obligations professionnelles à un emploi du temps complètement libre. La gestion du temps de loisir, pourtant centrale dans cette nouvelle réalité, n’est pas enseignée.
Un des enjeux majeurs vient du fait que, collectivement, nous sommes peu éduqué·es au loisir. Le loisir est souvent perçu comme une évidence, quelque chose que l’on sait naturellement comment gérer. Pourtant, c’est tout le contraire. Par exemple, nous avons tendance à considérer un moment de relaxation ou de détente comme un luxe dans notre emploi du temps. Perçu comme l’opposition de la tant souhaitée « productivité », nous nous sentons mal de se reposer. Saviez-vous que ces moments sont essentiels pour notre santé physique et mentale?
Le choix de nos activités et de nos occupations nécessite une réflexion si on souhaite qu’elles soient enrichissantes, significatives et agréables. Si nous ne prenons pas un instant pour identifier nos besoins à cette nouvelle étape de nos vies, nous ne pourrons pas comprendre ce qui ne fonctionne pas. Il faut arrêter de ne voir le loisir que comme un passe-temps. Il est un outil puissant et essentiel pour s’actualiser et avoir un pouvoir d’agir sur sa vie.
C’est suite à tous ces constats que le Groupe interdisciplinaire de recherche sur l’expérience inclusive de loisir (GIREIL) a créé le programme RÉEL – Retraite épanouie et loisir. Après avoir été testé et adapté dans des centres communautaires de loisir, en collaboration avec la Fédération québécoise des centres communautaires de loisir (FQCCL), le programme se déploie actuellement pour aider le plus de nouvelles personnes retraitées possible, et ce, à travers tout le Québec. Ces 8 ateliers en petits groupes permettent de mieux comprendre les nombreuses facettes du loisir, de réfléchir sur nos pratiques actuelles, d’identifier des pistes de changement à faire et plus encore.
En général, les ancien·es participant·es disent que RÉEL a eu comme retombé d’améliorer leur conscience du loisir et de sa portée, de développer une meilleure connaissance de soi face au loisir, d’être en mesure de passer à l’action et d’être soutenu·es dans leur adaptation à la retraite.
Informations sur le programme RÉEL déployé par la FQCCL
Le programme RÉÉL s’adresse aux personnes récemment retraitées qui tireraient avantage d’aborder la question des loisirs à la retraite pour leur bien-être. Il est offert par des organismes adhérents et formés (centre communautaire de loisir, club FADOQ, obnl, etc.).
Il se déroule sur 8 séances d’environ 2h30, selon le milieu. Les groupes sont limités à plus ou moins 8 personnes participantes pour assurer la qualité des échanges et la place de chacun·e. Chaque semaine, des concepts sont présentés, des activités de réflexion individuelle ou de groupe sont réalisées et des discussions ont lieu. Un petit devoir à la maison est demandé pour faciliter la prise de conscience de son quotidien. Voici quelques thèmes abordés à travers les rencontres:
- La retraite et ses clichés
- La motivation en loisir
- Les attitudes, les attentes et les contraintes en loisir
- La sélection, l’optimisation et la compensation
- L’expérience de loisir sous différentes formes
- L’activité, le lieu et les partenaires
- Le mode de vie optimal intégrant des activités de loisir
- Les habiletés en loisir
Références
Poirier, M. (2024, 21 avril). Liberté 55 : un slogan implanté dans l’imaginaire collectif. Francopresse. Repéré à https://francopresse.ca/economie-et-finances/2024/04/21/liberte-55-un-slogan-implante-dans-limaginaire-collectif/